Le 2 mars 2020, le Sénégal enregistrait son premier cas d’infection au coronavirus. Cette nouvelle forme du virus du COVID-19 s’est désormais répandue sur toute la planète et la maladie a été déclarée une pandémie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 11 mars dernier. Cette crise de santé publique bouleverse l'ensemble des dimensions économiques et sociales des vies humaines à travers le monde, notamment les inégalités des genres.
En effet, les conséquences sanitaires, économiques et sociales de la maladie impactent davantage sur les femmes que sur les hommes, de manière générale.
Au Sénégal, les femmes constituent la majorité du personnel du secteur de la santé toutes catégories confondues. Elles représentent 53% de l’effectif global (Audit genre MSAS, 2015). Ce qui fait que face à cette pandémie, elles sont plus exposées aux risques en tant que personnel de santé mais aussi en tant que membre de la famille assistant le reste de la famille dans les ménages et foyers. La plupart d’entre elles est mères et s’occupe des membres de leurs familles.
Avec les mesures de restrictions et de confinements, la charge des responsabilités familiales, déjà disproportionnée en temps normal, continue de reposer sur elles. Les femmes se trouvent donc dans un état de stress considérable (ONU Info, 2020).
Avec l’annonce de la fermeture des écoles, universités et crèches pour trois semaines à partir du lundi 16 mars 2020 au Sénégal afin de freiner la propagation du Covid-19 (NDLR : fermeture prolongée jusqu’au 4 mai 2020 suite à une annonce officielle du 2 avril 2020), de nouveaux obstacles entravent la capacité des femmes à occuper des emplois rémunérés.
L’expérience récente d’autres épidémies, notamment Ebola, a révélé que ces crises détournaient les ressources des services urgents (nourriture, éducation des enfants par exemple) des femmes, alors même que la charge des responsabilités familiales qui leur incombe augmente et que leurs revenus diminuent[1].
La majorité des femmes de même que des hommes au Sénégal travaille dans l’économie informelle, ce qui signifie que leur revenu est précaire et qu’ils bénéficient faiblement voire pas du tout d’une assurance maladie. Toutefois, les conséquences économiques de la pandémie frapperont plus durement les femmes, car un plus grand nombre d’entre elles occupent des postes peu rémunérés, précaires et informels. Les perturbations, y compris les restrictions des déplacements, risquent d’empêcher les hommes et les femmes de gagner leur vie et de répondre aux besoins essentiels de leur famille, comme cela a été le cas lors de la crise d’Ebola.
De par son rôle pilier dans le fonctionnement familial, les mesures prises pour éviter la propagation de la maladie frappe plus la femme que son homologue masculin.
En effet, représentant l’essentiel des travailleurs domestiques, les femmes et les filles sont confrontées à un choix injuste au quotidien : leurs revenus par rapport à leur santé. Certains employeurs au Sénégal, comme en Europe, optent pour l'octroi d'un chômage temporaire aux travailleurs domestiques (ILO, 2020). De telles mesures qui, couplées aux salaires extrêmement bas du secteur, risquent de pousser ces travailleuses domestiques dans une plus grande précarité.
Ce qui montre que nous sommes au cœur de la question de l’égalité des genres.
L’inégalité des genres, un problème profond
L'inégalité entre les genres est non seulement une question morale et sociale urgente, mais aussi un défi économique crucial. La discrimination basée sur le genre continue d’empêcher un grand nombre de femmes d’avancer, et notre monde s’en trouve lui-même pénalisé.
Les pays dans lesquels les femmes sont traitées d’un pied d’égalité dans les domaines d’activités économiques et sociales avec les hommes jouissent d’une meilleure croissance économique. Le PIB mondial pourrait augmenter jusqu’à 28 000 milliards de dollars (soit 26%) d’ici 2025 si les femmes participent à l’économie au même rythme que les hommes (McKinsey)[2]. Ce qui montre l’importance de la question, car il ne saurait en effet y avoir de développement durable sans égalité entre les genres.
Cependant, cette pandémie peut davantage fragiliser les efforts que les pays comme le Sénégal ont fournis en matière d’égalité de genre, pan important pour l’ensemble des Objectifs de Développement Durable (ODD).
Parmi le 1.5 milliard de personnes vivant avec un dollar par jour ou moins, on trouve principalement des femmes. Le fossé entre les hommes et les femmes pris dans le cycle de la pauvreté a continué de se creuser au cours de la dernière décennie.
L’expression " féminisation de la pauvreté " est employée pour désigner ce phénomène[3]. La COVID-19 peut davantage renforcer la féminisation de la pauvreté qui à son tour peut limiter la participation des femmes sur le marché du travail et l’inégalité devant l’accès aux ressources et la jouissance de celles-ci. En effet, les femmes prises dans le cycle de la pauvreté n'ont pas accès aux ressources et aux services qui leur permettraient d'en sortir. Leur accès à l'éducation et aux services d'aide est insuffisant; leur participation à la prise de décisions dans le foyer, comme au sein de la communauté, est minimale[4].
En dépit d’un affichage politique fort en faveur de l’égalité femmes-hommes, d’un arsenal législatif conséquent, les inégalités femmes-hommes restent prégnantes surtout dans ce contexte de COVID-19 où les femmes consacrent encore plus de temps que les hommes aux tâches domestiques et aux enfants en raison d’une division sexuelle du travail; et en termes de pauvreté, elles représentent 70% des personnes pauvres dans le monde[5].
Les femmes gagnent, en moyenne, à peine plus de 50 % de ce que gagnent les hommes[6]. Et la persistance de cette situation sanitaire avec les conséquences économiques à craindre risque davantage de détériorer leurs conditions de vie.
[1] Covid-19 : les conséquences sociales de la pandémie touchent durement les femmes. https://news.un.org/fr/story/2020/03/1064582, consulté le 24/03/2020.
[2] Pouvoir de la parité, Institut mondial McKinsey (MGI), septembre 2015, mckinsey.com/featured-insights/employment-and-growth/how-advancing-womens-equality-can-add-12-trillion-to-global-growth.
[3] Genre en Action, https://www.genreenaction.net/L-Homme-le-plus-pauvre-est-une-femme.html, consulté le 30/03/202.
[4]Féminisation de la pauvreté, https://www.un.org/french/womenwatch/followup/beijing5/session/fiche1.html, consulté le 29/03/2020
[5]Roots for the Future, IUCN & GGCA, 2015https://unfccc.int/files/gender_and_climate_change/application/pdf/educposters_frelight.pdf, consulté le 30/03/2020.
[6] Féminisation de la pauvreté, https://www.un.org/french/womenwatch/followup/beijing5/session/fiche1.html, consulté le 29/03/2020